Déjà là - critiques



La musique électronique s'apparente à une succession de chocs sismisques, ébranlant le Petit Théâre de la Colline, Déjà là dérange, interroge, trouble et invite le spectateur à une réflexion au long cours sur le vivre ensemble... et sans doute sur le vivre tout simplement.
Un fauteuil pour l'orchestre, Bruno Deslot

A la fin du spectacle, les jeunes interprètes viennent s'asseoir au bord du plateau face au public, exactement comme ceux de la Salle d'attente mis en scène par Lupa, mais eux se sont pleinement approprié par mêmes leur propre quête !

La Quinzaine littéraire, Monique Le Roux

Aurélia Guillet parvient à traduire dans un même geste créateur une force de présence et la tension d'un énorme potentiel. C'est un exercice ténu qui fait déborder les limites de la représentation : les comédiens sont déjà là quand les spectateurs viennent prendre place dans les gradins et, lorsqu'à la fin, ils descendent, s'assoient au bord du plateau, que l'un d'eux allume une cigarette, quelque chose d'inouï se produit : un déplacement infime et pourtant essentiel. Le sentiment que cela va enfin commencer s'impose contre toute évidence avec la force d'une certitude : ça nous regarde ! (...) Auréant de constats, d'injonctions chuchotées dans des micros ou criées à pleins poumons qui entrent en résonance et dont la force agit comme une levure.

Toutelaculture.com, Smaranda Olcese






Théâtre/ Public N° 212 Arnaud Maïsetti,:
http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article846


"Sur le plateau, les quatre acteurs ; entre eux et nous, une mince toile qu’on ne perçoit pas d’abord, mais qui sera le support aux images de l’histoire, large écran devant les acteurs, redoublée par un écran derrière eux dans un effet de surimpression double : surimpression des acteurs et des écrans sur l’écran. C’est donc comme si l’histoire faisait écran au corps, comme si l’histoire les entourait devant et derrière, sorte de prison mentale d’images.

Ces images ne sont pas celle d’événements identifiables, identifiées : on reconnaît des mouvements de foules mais on ne perçoit que le flux, on voit des rues et des masses avec des drapeaux, ce pourrait être des images de printemps arabes, européens, passés, présents, à venir. Comme on est plongé dans ce flux, on ne voit que les mouvements de force de l’histoire, jamais ces points stables où prendre position, ou tenir position. Ce pourrait être une impasse : mais il y a comme un sursaut : là encore, un échec qui n’a pas dit son dernier mot.
En faisant de la question de la communauté (même minimale, quatre amis, réduite au moment de crise le plus fort à deux amants), le spectacle tente de ne pas attester de cette impasse pour le constater, mais travaille la question de la prise de parole : comment et où la prendre ; oui : à qui ?
(...)
Il y a surtout à la fin la libération de la parole individuelle : moment de l’histoire où l’individu n’est plus tant une valeur qu’une solitude, mais que ce théâtre tente de renouveler, d’inventer (c’est-à-dire de trouver). Alors, les acteurs se tournent, dans la dernière partie, ne se parlent plus entre eux, mais vers le public, horizontalité neuve, s’avancent vers des micros et vont parler dans la parole, lâchés des mots qui sont comme des lancées de langue vers nous, non pas réducteurs à des idées toutes faites, mais des mots d’incantation de secrets et de reconnaissance — un leitmotiv : c’est l’émergence. (Toutes phrases courtes construits sur ce présentatif qui dresse pour nous la joie de cette communauté.)
Paroles qui circulent d’un corps à l’autre, traversent le plateau : le personnage n’est plus dépositaire de sa parole, de sa réplique ; ce qui importe, c’est le champ de force que délimite la parole ensemble, et c’est comment l’habiter ensemble.
Spectacle qui prend le risque de l’impasse et de l’impossible, précisément parce qu’il ne porte pas de formules politiques, de propositions idéologiques, mais qu’il est dans le tremblé des choses : qu’il fait confiance « aux vérités tremblantes », à ce que Glissant appelle dans L’Identité relation contre l’identité-nationale la pensée du tremblement : la pensée qui n’essaie pas de formuler des idées définitives.
(...)
Quand il le traverse (la question de la traversée est son risque : celui partagé par les trois spectacles), le théâtre retrouve cette qualité de présence qui permet de reprendre possession, pour un temps seulement peut-être, mais pour un temps malgré tout acquis pour toujours, de l’histoire en partage."
Arnaud Maïsetti, Extraits de "Le regard de la Taupe et le regard de l'Ange / Reprendre possession de l'histoire"
Notes sur : 
Salle d’attente — L. Norèn / K. Lupa, La Dame aux Camélias — A. Dumas / F. Castorf, Déjà là — A. Guillet / MichniakPublié dans Théâtre/ Public




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